Ave ANTIQUITAS : Requiem pour un terme à plusieurs variants
ANTIQUITAS 2021 avec ISSN
Dans la perspective du numéro de lacement de notre organe de publication ANTIQUITAS, qui a été mis sur les fonds baptismaux l’année dernière alors que nous étions plongés dans le confinement, qu’il me soit permis de commencer ma prise d’écriture par cette historiette authentique, i.e. vrai. Elle a eu lieu au cours de l’année académique 2014/2015 avec les apprenants de licence 3 autrement dit ceux de ces jeunes garçons et filles qui avaient franchi le cap de la 1ère et de la 2ème années formés magistralement par la « great team » d’historiens de l’Antiquité et qui voulaient en savoir davantage sur l’apport de l’une des sciences auxiliaires de l’histoire, l’épigraphie latine en l’occurrence, à la maîtrise de l’histoire ancienne de Rome. En effet, qu’est-ce l’épigraphie latine si ce n’est cette discipline scientifique qui a pour effet de connaître l’homme romain à partir des textes courts et inscrits sur un support matériel, la pierre en l’occurrence ? Depuis 4ans il avait été institué au sein du département d’histoire et archéologie l’obligation pour tous les apprenants inscrits en 3ème année, de s’y former. Résultats des courses : alors que certains apprenants en début d’année avaient cette discipline en horreur, nombreux finirent par en avoir l’appétence au bout de 4 ou 5 séances au point de choisir l’histoire ancienne de Rome en Master.
C’était donc un jeudi dans l’une des salles des préfabriqués-préfa. Le cours de ce jour-là devait porter sur les cognomina ex uirtute impériaux. La semaine d’avant avait eu lieu un autre cours portant sur les simples nomina impériaux. Dans ce cadre là, les étudiants, férus de culture latine, n’avaient eu aucune peine à faire montre de leur savoir dans la dénomination des différents empereurs, d’Auguste à Septime Sévère. Aujourd’hui devait avoir lieu un enseignement du même ordre, à la différence qu’un intérêt majeur devait être mis sur les empereurs guerriers.
À 08h tapante, je me pointai devant la classe qui grouillait déjà de monde. À mon entrée, tout le monde se leva comme un seul homme. Les retardataires attendaient à l’entrée que je leur fisse signe. À mon signal ils s’engouffrèrent et prirent leur place. Contrairement à d’ordinaire, j’inscrivis au tableau une phrase en leur demandant de la décrypter : Ave. Ce fut la panique générale. Et pour cause : ils étaient persuadés que cet exercice donnerait lieu à une note.
Il fallut donc déployer toute la diplomatie pour les rassurer. Car l’objectif recherché était de voir s’ils étaient conscients de la portée des actes qu’ils posent au quotidien. En effet, à quelle réalité historique renvoie le terme Ave ? À cette question un seul doigt se leva ; celui d’une apprenante fortement catholicisée : <<je vous salue>> fit-elle. Eurêka dis-je à mon tour en les interpellant par un certain nombre de questions. La question principale fut celle-ci : quel sens donnez-vous au fait que vous vous soyez levés quand je suis rentré dans cette salle ? Et dès ce moment, les langues se délièrent. J’eus ainsi toutes les réponses à mon questionnement premier. Ainsi il fut établi que Ave est une formule de salutations et donc de politesse. De ce point de vue, il équivaut à une formule comme Mbolo etc. Chez les chrétiens, il renvoie à la salutation angélique. Dans la Rome ancienne, il était porteur d’hospitalité. À ce titre il symbolisait le sens de l’accueil que les Romains avaient vis-à-vis des peuples étrangers. Il se manifestait par l’ouverture des portes des maisons du matin au soir. C’est donc un terme à plusieurs variants. Nous l’appliquons aussi à ANTIQUITAS. Pour lui dire BIENVENUE.
Hugues MOUCKAGA – Professeur Titulaire en Histoire ancienne Université Omar Bongo

